RP : Un débat sur le "NOUVEAU MONDE" [PV Alastor Haborym]

Trois longues années se sont déroulées, et malgré les promesses et les dons des dieux, le Royaume reprend difficilement son ascension. Les derniers miraculés déblayent les champs de bataille à la recherche d’éventuels survivants et de cadavres. Tous les corps identifiés sont rapatriés au sein de Treilka où les Solerras accomplissent la dernière messe avant l’enterrement du défunt. Dans la ville de Treilka, les trois années de guerre, ont semé un chaos sans précédent. Les enfants et les femmes ne cessent d’interroger les conseillers du roi sur la disparition de leurs chers pères et maris. La réponse est souvent la même : « personne n’a encore été retrouvé, revenez demain. » Il n’est pas rare que l’on entende des cris aigus ou des plaintes assourdissantes dans la salle du trône, aménagé aujourd’hui comme un refuge pour les familles ruinées. Chaque jour, de nouveaux infortunés apparaissent et implorent au roi des humains de leur venir en aide.

Le jeune homme, qui semble avoir pris vingt ans de plus, regardait d’un air affligé sa ville, son royaume et son corps irrémédiablement affaibli. Il n’y avait pas une journée, où, assis sur le rebord de la fenêtre, il ne percevait pas le son des cloches annonçant la fin d’une vie. Pas une journée, où, il ne regrettait pas les évènements qui se sont déroulés, et qui avaient réduit en cendre la moitié de sa population. Certes son mariage avec la reine des elfes avait été annulé ; certes ses mains brulées lors d’un attentat où l’on avait cherché à le roussir, le faisaient abominablement souffrir ; certes lors de ce massacre, il avait vu son meilleur ami et capitaine de l’armée royale se faire décapiter sous ses yeux, cependant, quelle importance cela pouvait avoir face à la souffrance de son peuple.

Un conseiller, posté derrière lui depuis sûrement quelques minutes, se racla la gorge pour arracher le roi à ses pensées sinistres. Le roi tourna la tête vers le grand homme aux visages dégarnis et soupira doucement avant de l’autoriser à poursuivre son bilan de la journée :

« MMh… merci votre majesté, alors… 297 corps ont été retrouvés le mois dernier, ils sont maintenant en charge des volontaires qui devront assister les familles lors de l’identification des cadavres. 42 habitants de Treilka, on rejoint la salle du trône, leurs bâtisses ont soit été détruites lors de la guerre, soit jugé inhabitable par l’équipe de construction. Ils seront… »

Alors que le vieil homme continuait son rapport macabre dans un calme affligeant, Leye contemplait les trois autres conseillers présents dans la salle. Il savait qu’il se devait d’écouter leurs constats, cependant il souhaitait s’y soustraire, sortir de ces lamentables constatations qui ne cessaient de le déprimer et le rendait presque honteux d’être roi. Il voulait aider son peuple et savait parfaitement qu’il en avait les moyens grâce à ses dons. Cependant lors de la dernière réunion, les conseillers avaient demandé d’attendre un peu, que le royaume pleure tranquillement ses défunts, avant de passer à autres choses ; que l’évolution du royaume devait être mise en place dans un deuxième temps, une fois que la guerre soit, sinon oubliée, au moins reléguée au second plan.

« …aussi, la moitié des villages, hors Treilka, ont été soit totalement réduit en poussière, soit dans un état tel qu’il faudrait tout reconstruire… »

Un silence. L’assemblée attendait un mot, un geste, un acte du roi qui pourrait informer sur ses intentions.
Celui-ci sourit et acquiesça simplement d’un signe de tête. Tous les conseillers baissèrent leurs regards, excepté un jeune rouquin aux yeux clairs et aux visages bouffis, qui leva le doigt à la manière d’un écolier. Leye pouffa intérieurement : il semblait arrogant et imbu de sa personne, cependant c’est la voix tremblante qu’il commençait un discours timide et hésitant.

« Votre majesté, il me semble que vous avez évité un sujet primordial pour l’avenir du Royaume… je parle bien entendu de vos rapports avec les élus. Il me semble qu’avant la guerre, vous étiez promis à madame De Yanovar, reine et élue des elfes… Cependant… »

« Oui, cela a été annulé et n’est plus sujet à la discussion pour le moment. Contentez-vous en et passons à autres choses… »

Leye avait dit cela agressivement, pour décourager les plus sots à commenter son choix : il ne voulait pas qu’on tente, encore une fois, de le faire changer d’avis. Sa décision avait été prise d’un commun accord avec la reine des elfes, et il ne souhaitait évidemment pas, qu’on continue à remuer le couteau dans la plaie. Il regarda durement le jeune rouquin qui continua sa tirade tout en fixant ses mains qui tortillaient une ficelle de sa tunique.

« Ensuite au sujet, d’Adriann, le général de vos armées… je… l’intendante au trône des vampires a...»

*Cet abruti cherche à m’énerver ou est-il inconscient… Deux phrases, deux sujets qui fâchent… *

Leye contempla le pauvre bougre avec irritation, les mains tapotant rapidement sur le rebord de la fenêtre. Cela eut l’effet escompté… le rouquin penaud s’arrêta net et recommença sur un autre sujet… :

« Il y a une semaine, l’élu des démons nous a fait part d’une requête concernant son désir de vous rencontrer Votre Majesté… il vous attend à Unificia depuis hier… Nous avons préféré vous le cacher car vous sembliez trop occupé et peiné par les affaires du royaume. Nous avons ouvert la lettre ce matin et...»

Le jeune rouquin sursauta en prenant conscience de l'aura meurtrière qui parcourrait l'ensemble de la pièce. Leye était dans une fureur sombre : chaque parcelle de sa peau fut parcouru de picotement, chaque poil fut hérissé ; son pouls s’accéléra, ses mains le brûlèrent plus que de coutumes… il explosa :

« MAIS VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ! UNE SEMAINE ! UNE SEMAINE QUE JE DEVRAIS ÊTRE PRÉVENUE ! BANDE D’IMBÉCILES ! BONS À RIEN ! MAIS OÙ EST-CE QU’ON VOUS FORME ? BANDE DE DEMEURÉES !»

Leye vociféra et s’exclama de plus belle, continuant de pester et de hurler qu’il allait trouver lui-même qui avait omis de lui dire une information aussi capitale, puis sortit en furie de ses appartements sous les regards médusés des gardes qui ne savaient pas trop comment réagir devant la fureur de leur roi. Il ordonna au premier serviteur, qui avait le malheur de se trouver sur son chemin, de préparer une monture, pour qu’il puisse partir dans l’heure. Puis s’enferma dans sa chambre pour écrire une lettre de reproche à ses chers conseillers qui expliquait très brièvement un départ précipité, qui durerait certainement assez longtemps, pour qu’ils s’en mordent les doigts. Ça leur fera le pied !

***
Une semaine plus tard…

Leye avancé le plus rapidement possible : il abandonna sa monture au premier écuyer qu’il croisa et marcha promptement vers le château. Il aurait aimé pouvoir se téléporter avec une machine de son invention, ou encore transformer en souris l’ensemble de ses conseillers pour les châtier de leur crétinisme, cependant il ne le pouvait pas et cela l’exaspéra. Il aurait souhaité même en être réellement fâché cependant il était bien heureux de pouvoir quitter son royaume quelques temps : sortir de la torpeur du moment pour aller voir un ancien « compagnon »… Bien qu’il ne sache pas du tout, la raison de cet entretien… Sûrement diplomatique…

Il entra dans la cour de la grande demeure qui faisait la splendeur de la ville et s’arrêta net en voyant une énorme masse ambulante. Il se gifla sèchement pour s’assurer de la vraisemblance de cette scène puis, resta bouche bée en voyant un gigantesque reptile écailleux de couleurs or, avec de longues ailes de cuir semblables à celles des chauves-souris de Sleyenna. Il avait de grands yeux verts, et des dents tellement énormes que Leye se sentit déglutir de peur. Il passa sa main dans ses cheveux, pinça ces lèvres agacées et tout en agençant parfaitement ses habits officiels (pantalon en lin et tunique bleue foncé avec des dorures sur les manches), fit irruption dans la salle de réunion des élus.

Là, il vit son vieux mercenaire préféré, Alastor Haborym, vêtue d’une armure sombre à l’aura dangereuse, les bras en croix, adossées sur le mur. Décidément, il n’avait pas changé d’un poil… toujours aussi grand, toujours aussi imposant, toujours aussi… lui ?

Il ne le détailla pas plus, et le regarda avec un sourire malicieux : il avait envie de lui dire qu’il était heureux de le revoir cependant il ne le pouvait pas… Alastor ne connaissait qu’Anator, qui avait sans aucun doute, laissé qu’un mauvais souvenir au « colosse ». Il supprima un sourire incontrôlable, s’approcha dignement de Sa Majesté, le roi des démons et dit d’une voix, qui se voulait calme et assuré :

« Bonjour, élu des démons et roi de Foreoh. Je suis heureux de vous… rencontrer ! »

Cela faisait à peine trois semaines que Pyroxis m'avait assigné cette vie de pouvoir et d'autorité, mais aussi de multiples formalités et responsabilités. C'est pourquoi, à peine arrivé sur le trône de l'Empire, que je n'avais jamais osé imaginé atteindre un jour, je n'ai plus eu une minute à moi. Les centaines de décisions qui m'incombaient maintenant m'obligeaient à beaucoup voyager et à ne plus compter les heures que je passais à chevaucher Dvorr'k, mon dragon récemment capturé. Il me fallait découvrir, sinon réinventer moi-même pour cause d’obsolescence et sur ordre des dieux, la mécanique et les systèmes de politique interne de Foreoh mais aussi gérer les conséquences de la guerre et refonder des relations diplomatiques stables avec les autres races. En effet, même s'ils ne jouissaient pas d'une image amicale avant la Grande Guerre, comme les Démons représentaient la partie la plus dévastatrice des armées manipulées par Gorsenn, celle qu'ils avaient aujourd'hui était bien pire. D'ailleurs les dieux eux-même m'ont contraint à réglementer sévèrement les allées et venues des Démons hors de Fanthaïsa.

Ce dernier point était d'ailleurs la raison principale de ma présence à Unificia, où je ne souhaitait pas rester plus longtemps que nécessaire étant donné tout le travail qui m'attendait à Foreoh, notamment pour ce qui était de reconstruire le pays et se débarrasser les cadavres avant qu'ils ne reviennent à eux. A mon arrivée, mon premier rendez-vous devait être avec Leye Xinthas, Roi des Humains, car les relations particulières qui liaient nos races me semblaient suffisantes pour traiter avec lui en priorité. Mais celui-ci m'avait fait faux bond et par conséquent mis de très mauvaise humeur pour le reste de mes entretiens...

Alors que j'allais repartir pour près de trois jours de vol, mécontent de devoir réitérer ce voyage à cause de la légèreté d'un Humain, un message me parvint, me prévenant de l'arrivée imminente de celui-ci. Je retournais donc au lieu de réunion, abandonnant Dvorr'k une dernière fois aux mains d'écuyers effrayé et visiblement incompétents face à un dragon. Deux d'entre eux avaient été blessés durant mon séjour, par un souffle d'acide involontaire de la pauvre bête. L'un des deux n'en avait d'ailleurs pas réchappé.

Pour ces visites officielles de haut rang, j'avais hâter les forgerons Impériaux de me confectionner une armure digne de ce nom et surtout digne de l’Élu des Démons et Empereur de Foreoh. Ceux-ci, conformément à leur réputation, ne m'avaient pas déçu. L'armure de plaques noire damasquinée d'or était incroyablement équilibrée et légère. De plus, le casque, que j'avais posé sur la table de la salle de réunion des Elus en attendant, en souvenir de ces grandes batailles, avait été orné des cornes du Démon qui avait réussi à me blesser à l'abdomen. Une cicatrice de plus parcourait donc mon corps déjà éprouvé par les combats.

Encore une heure à attendre dans cette pièce et ma patience se faisait de plus en pus rare. Quand tout à coup, l'arrivée tant attendue fut annoncée. La porte s'ouvrit bientôt sur un petit Humain visiblement affaibli par la guerre, ayant perdu sa jeunesse et portant une chevelure tirant sur le roux et des yeux bleus qu'il me semblait avoir déjà vu. *Sûrement dû au fait que tous les Humains finissent par se ressembler dans leur faiblesse...* De plus, non content d'arriver avec tant de retard, il esquissa un sourire en me voyant, qu'il réprima tout de suite, sans doute parce qu'il avait vu mon regard rouge et noir briller de colère et le fixer.

Je le regardais s'approcher dans ses habits de tissu tout aussi fragiles que lui, les mains visiblement brûlées sans dire un mot. *Ce n'est pas à moi qu'une telle chose arriverait...*Et c'est sans même s'excuser qu'il s'adressa à moi dans des termes inappropriés*.

-"Bonjour, Élu des Démons et roi de Foreoh. Je suis heureux de vous… rencontrer !"

Je le toisai un instant de toute ma hauteur, m'avançant doucement vers lui, avant de lui signifier mon mécontentement.

-"Le plaisir n'est pas partagé et mon titre n'est pas celui de Roi mais d'Empereur. J'étais sur le point de repartir, ayant abandonné l'espoir de pouvoir vous rencontrer un jour car vous n'avez donné aucun signe de vie depuis près de deux semaines que je vous ai contacté. J'espère en tout cas que vous gérez les obligations de votre Royaume plus efficacement que vos rendez-vous... Enfin bref, les relations commerciales liant nos deux contrées sont de telle importance que je ne vais pas tenir compte de votre incivilité. Des affaires plus urgentes nous attendent vous et moi. N'est-ce pas?"

C'était d'une voix tonitruante bien que posée que je m'étais adressé à lui. Le caractère rauque et grave de ma voix suffisaient d'habitude à imposer le respect. Je ne voulais pas laisser la colère prendre le pas sur notre relation, même si elle commençait visiblement mal.

Leye contempla Alastor le dévisager froidement : la colère brillait dans ses yeux et déformait, malgré lui, son visage habituellement neutre. Le jeune humain ne mit pas longtemps à comprendre qu’il allait se faire engueuler comme un enfant, et se prépara mentalement à subir les conséquences des actes… de ses conseillers…Alastor s’approchait avec la démarche hautaine de tout démon qui se respecte et se planta devant lui, le toisant de toute sa hauteur :

-"Le plaisir n'est pas partagé et mon titre n'est pas celui de Roi mais d'Empereur. J'étais sur le point de repartir, ayant abandonné l'espoir de pouvoir vous rencontrer un jour car vous n'avez donné aucun signe de vie depuis près de deux semaines que je vous ai contacté. J'espère en tout cas que vous gérez les obligations de votre Royaume plus efficacement que vos rendez-vous... Enfin bref, les relations commerciales liant nos deux contrées sont de telle importance que je ne vais pas tenir compte de votre incivilité. Des affaires plus urgentes nous attendent vous et moi. N'est-ce pas?"

*Aïe !* se dit Leye, tout en imaginant l’abominable vengeance qu’il destinait à ses incapables conseillers. Il n’avait plus été habitué à voir le colosse s’énerver de la sorte, et l’abaisser au niveau d’un Pratok qui aurait perdu toute trace d’intelligence. Il est vrai qu’il avait réussi à avoir une bonne semaine de retard, et que ses messagers avaient dû avoir la délicatesse de ne pas informer, messire l’empereur de Foreoh, des raisons du retard de Sa Majesté, cependant il aurait réellement aimé que le démon ne soit pas aussi prétentieux devant l’élu des humains. Bien que les démons soient considérés comme les êtres les plus puissants de Fanthaïsa, cela ne donnait pas le droit à leur élu de se considérer supérieur aux autres représentants des races « inférieurs ». Ce n’était pas Anator, le chef de la guilde des hunters qui se trouvait devant lui, mais bel et bien Leye, l’élu des humains. Il était hors de question qu’il se soumette aux volontés et aux humeurs de messire Haborym, puisqu’ils se trouvaient sur un pied d’égalité.

« Si vous m’aviez laissé le temps, je vous aurais expliqué la raison de mon retard, Empereur. Mes conseillers ont eu la charmante idée de ne pas m’informer de votre lettre, sous prétexte que la reconstruction du Royaume requerrait toute l’attention de leur roi. Sachez que lorsque j’ai appris la date de cette entrevue, une semaine s’était déjà écoulée et il ne me fallut pas moins d’une autre semaine pour arriver à Unificia. Quant à ma capacité à gérer mon royaume, je peux parfaitement me passer de vos conseils et de vos propos plus que déplacés, Empereur. Je ne suis pas votre sous-fifre, messire Haborym, tachez de ne pas l’oublier. »

Leye avait parfaitement conscience de son arrogance, et s’est, sans un regard, qu’il enfila ses gants de cuir, puis, s’assit sur la chaise la plus proche. Il avait été heureux de revoir le compagnon qui avait assouvi sa vengeance, cependant, il comprenait maintenant qu’un gouffre s’était creusé entre eux, de par leur statut respectif. Lui, qui avait vu plus de montures différentes, que de nourritures dans son assiette lors de son voyage, se sentait totalement exténué par le poids de ses devoirs d’élus. Il soupira doucement, posa son poing sur la table pour reprendre courage puis dit d’une voix forte et détachée :

« Maintenant, excusez-moi, je dois m’assurer que nous serons en sécurité dans cette salle : il n’est pas rare que des personnes malintentionnées espionnent les réunions diplomatiques… officielles ou non… - Il se leva pour placer quelques sorts de protection dans les coins de la pièce – Vous pouvez commencer à parler, messire, je suis prêt à entendre vos propositions. »

Voilà un humain qui a un sérieux problème avec sa condition d'être humain. Il rapporte tout ce qu'on lui reproche à des suspicions de discrimination. Ça m'en rappelle un autre... Tout aussi fier, et inconséquent. D'ailleurs ce n'était pas le seul détail qui me remémorait ce fameux Anator chez le Roi. Les cheveux, les yeux...

-"Vous n'êtes pas le premier Humain qui pense que je le considère comme un sous-fifre simplement parce que je ne supporte pas l'irrespect. D'ailleurs vous avez d'autres points communs avec lui. Bref, l'important est que selon moi un Roi est responsable de tous ses sujets. Vous êtes donc le seul responsable de votre retard et, au passage, c'est vous qui m'avez traité comme un sous-fifre. En ne prenant aucun égard à mon sujet par rapport à ce retard inqualifiable à votre arrivée, lorsque vous vous êtes fait annoncé. Et encore plus en arborant ce sourire en me voyant lorsque vous êtes entré."

Sur ces mots je pris enfin un siège et regardai Leye enfiler des gants sur ses mains brûlées avant d'aller marmonner aux quatre coins de la pièce pour insonoriser la pièce visiblement. La magie humaine était bien étrange... Une fois qu'il eut fini, il me rejoignit et me permit de parler en toute sécurité. Mais autre chose me tracassait à cet instant précis.

-"Vous vous ressemblez tellement... Tant de choses en vous me le rappelle que s'en est troublant."

Il devait sans aucun doute parler d’Anator, cependant Leye préféra, dans un premier temps, ne pas indiquer sa seconde identité au démon, qui continuait à l’insulter en le traitant d’irresponsable et d’arrogant. Décidemment ce démon n’avait pas changé, mais cela n’allait pas pour autant calmer Leye, qui avait bien changé depuis trois ans.

« Messire, vous continuez à m’insulter et j’avoue que cela ne me plait pas. Mes conseillers ont agis en croyant bien faire : ils étaient inquiets à mon sujet et pensaient que le bonheur de mon peuple était bien plus important que les messages de l’élu des démons, race, qui, au passage, a été en partie responsable de l’extermination de la MOITIE de mes semblables. Si vous aviez une once de sentiment, vous l’auriez compris et auriez sans aucun doute pardonné cette bavure qui n’a rien de très contraignant pour vous. Qu’est-ce que deux semaines dans la vie d’un démon… peu de chose… ! Pourquoi devrais-je prendre des égards pour un peuple qui ne nous a jamais pris au sérieux et qui nous a insulté à maintes reprises par le passé. Après tout, m’avez-vous laissé le temps, de m’expliquer, n’avez-vous pas plutôt préféré me juger et interpréter mes actes à votre convenance ! Mon retard n’est pas inqualifiable et ne mérite pas les commentaires d’un élu qui vient juste d’arriver au pouvoir et qui n’est pas assez humble pour pardonner une faute dérisoire, sans exprimer un mécontentement exagéré et déplacé ! »

Leye se leva et s’éloigna du démon qui devait penser qu’il s’emportait beaucoup pur un humain… Il grinça des dents en sentant ses mains le brûlaient violemment et frappa doucement le mur : ce n’était pas le moment de paraître souffrant. Il resta le dos tourné à l’élu, pour réfléchir calmement, puis prit à partie d’oublier cette affaire en disant d’une voix qui se voulait amicale :

« Vous avez bien changé depuis la dernière fois… je n’aurais pas cru que vous iriez aussi haut dans l’échelle sociale… je suis même sûre que vous ne le désiriez pas… »

Il se rassit en face du démon et entreprit de lui serrer la main :

« Comment allez-vous, depuis le domaine du Conteur, Empereur ? » Il appuya ce dernier mot d’un ton qui se voulait solennel, et qui mettait en évidence la singularité de la situation.

Décidément, cet Humain ne comprenait rien! Pourquoi continuait-il à me parler de ses conseillers et par quel sinueux chemin était-il passé pour en arriver à accuser les Démons des pertes humaines? L'esprit de ce Leye était sacrément désordonné pour moi, ou bien ne pouvait-il abdiquer et me donner raison simplement parce qu'il était trop fier. Quoi-qu'il en soit, j'allais lui rétorquer le fond de ma pensée quand sa dernière phrase éclaircit la situation.

-"Vous avez bien changé depuis la dernière fois… je n’aurais pas cru que vous iriez aussi haut dans l’échelle sociale… je suis même sûre que vous ne le désiriez pas…
Comment allez-vous, depuis le domaine du Conteur, Empereur ?"

L'Elu humain était donc bel et bien Anator. Cela ne m'étonnait pas plus que ça à vrai dire. Les indices étaient nombreux et la ténacité mal placée les reliaient trop bien pour qu'il ne fussent la même personne. Cependant, je restai une seconde interloqué par la brusquerie de cette déclaration, à la suite de quoi je frappai la table, la faisant vibrer, pour enfin exploser de rire. Un rire démesuré ou plutôt à ma mesure qui devait s'entendre à des lieues si la pièce n'avait pas été insonorisée. Reprenant mon souffle, les joues légèrement rosées, j'attrapai la main qui m'était tendue.

-"Je me disais bien qu'il ne pouvait pas y avoir deux Humains dotés d'un tel aplomb et d'une telle fierté!!!" (*mal placée...*)Relâchant la main qui semblait le faire souffrir, j'ajoutai: "Encore la conséquence d'une de vos lubies chevaleresque je suppose."

Le Roi m'avait offert là une porte de sortie à ce début de discussion qui n'aurait pu finir que mal. *Et quelle porte!!!* De toute façon j'avais déjà eu l'occasion de le tester lors de cette cavalcade hivernale qu'il venait d'évoquer et je savais qu'il était bien trop buté pour comprendre mon point de vue.

Leye sentit des frissons parcourir son corps lorsque le démon frappa son poing sur la table puis ria à pleine dent. Il laissa le démon finir, tout en parcourant la pièce du regard et émit un soupir de soulagement en voyant que ses charmes avaient tenu. Il reporta son regard sur Alastor qui, continuait à rire et fut surpris de voir une lueur de satisfaction. Il remercia intérieurement le démon d’avoir enfin serrer la main qu’il lui tendait !

-"Je me disais bien qu'il ne pouvait pas y avoir deux Humains dotés d'un tel aplomb et d'une telle fierté!!! Encore la conséquence d'une de vos lubies chevaleresque je suppose."

Leye sourit doucement : il continuait à le dénigrer mais qu’importe, c’était de la camaraderie et le jeune roi, qui avait alors retrouvé sa bonne humeur, apprécia cette échange plaisant. Il remercia aussi les dieux d’avoir réussi à faire diversion et s’assit simplement à côté du démon :

« On ne se refait pas, comme vous le savez. Vous non plus, vous n’avez pas changé, cependant j’avoue que votre réaction m’a un peu surpris… »

Le jeune humain se leva simplement, tourna autour de la table, tout en repensant aux années qui les avaient séparées et aux différents évènements qui s’étaient produits : la guerre, la paix, la magie… Tout était devenu différent, autant pour les démons que pour les humains. Après tout, ils avaient perdu leur élu et laissé Alastor, qui n'avait sûrement rien demandé, en charge d'un pays dévasté et en ruine... Leye regarda par la fenêtre au fond de la salle : il fallait qu'il dise quelques choses, le silence commençait à devenir pesant... Ne sachant pas les raisons de leur entrevue, il partit sur un tout autre sujet qui avait au moins le mérite de l'intéresser.

« Le monde a bien changé, ne trouvez-vous pas ? Que vous est-il arrivé pendant tout ce temps ? J'ai du mal à croire qu'un jour vous aviez eu le désir de devenir Élu et Empereur des démons... »

La révélation de la double identité du Roi Xinthas avait eu le mérite d'alléger l'atmosphère, ce qui n'était pas pour me déplaire. Après une semaine passées enfermé, coincé dans des rendez-vous diplomatiques assommants, cela faisait un bien fou de relâcher la pression des responsabilités pour quelques minutes. Le temps d'échanger les banalités d'usage requises lors de retrouvailles.

Anator, ou plutôt Leye, sans véritablement répondre à mon questionnement concernant ses mains, m'avoua avoir été surpris par ma réaction. Ce après quoi il m’interrogea sur le pourquoi du comment de ma nouvelle situation.

-"Crise de rire due au comique de la situation, c'est tout. Avouez que l'aveu de votre double identité, en plus du fait même de celle-ci, est assez surprenant. Et pour répondre à votre question, je dois avouer qu'il s'en est passé des choses depuis notre dernière entrevue. La Grande Guerre m'a particulièrement éprouvé, me poussant même à prendre du galon dans l'armée de l'ancien Élu. Et apparemment, (petit sourire de délectation) je fis alors sensation auprès des dieux. C'est vrai que je n'ai jamais eu ce genre d'aspirations, mais toute cette puissance et cette autorité compensent assez les lourdeurs de l'administration de l'Empire de Foreoh."

Je fis silence un bref instant, me perdant dans mes pensées. Je me ressassai brièvement ma satisfaction le jour où tout une assemblée se prosterna à mon arrivée sans y avoir été contrainte par la force. C'est alors que je repris conscience de la présence de mon ancien acolyte et renvoyai les civilités.

-"Et vous, apparemment ces trois dernières années furent également rudes pour votre personne."

Je l'invitais ainsi à m'en dire plus sur lui et fixai un instant ses mains gantées qui avaient particulièrement éveiller mon intérêt. En effet, les rares personnes que j'avais vu blessées de la sorte l'étaient parce qu'ils avaient osé poser les mains sur ma peau. Or, je ne me rappelai pas avoir mutilé ses mains-ci.