Un pas en avant [pv Leye]

par **Nolidrïen** Sam 6 Oct - 13:59

Elle avait passé la nuit dans la forêt.

Le jour n'était pas encore levé lorsque l'elfe fut tirée d'un sommeil agité par le cri d'un oiseau. Dans un sursaut, elle dégaina l'une de ses lames et la pointa dans le vide. Sa respiration était haletante. Son regard acéré balayait la zone où elle se trouvait avec minutie.

Rien.

L'elfe se détendit, rengaina son arme et la déposa à côté d'elle. De la sueur coulait le long de son front et dans son dos. La brise légère et humide du matin achevait de glacer le sang de la jeune femme. Cette dernière laissa échapper un soupir et se laissa retomber contre le tronc d'arbre où elle s'était installée, entre deux racines, pour dormir.

Elle ramassa sa couverture au sol et la remonta jusque sous son menton pour se protéger du vent et conserver un peu de chaleur puis ferma les yeux à nouveau. Immédiatement, les images lugubres de son cauchemar refirent surface et l'obligèrent à rouvrir les yeux. Un frisson monta dans son dos, irrépressible. Erydrin gronda légèrement, encore à demi endormie, et troqua sa chemise humide par une autre, sèche qu'elle tira de son sac. Se faisant, elle évita de prêter attention aux nombreux symboles qui constellaient son corps. Ces sombres arabesques n'étaient que traces indélébiles de son malheur, de son passé et de tout ce qu'elle conservait fermé à double tour dans un coin de son cœur. Une flèche qui menaçait de la tuer à chaque instant et qui pourtant ne s'enfonçait plus, se contentant d'érafler son cœur de temps en temps.

La douleur était supportable lorsque la sylvaine n'y prêtait pas attention mais elle devenait rapidement insoutenable dès l'instant où lui revenait en mémoire les horreurs qui y étaient liées.

Après avoir fourré sa chemise mouillée dans son sac, l'elfe récupéra sa cape épaisse et la vissa sur ses épaules. Se rendormir lui serait impossible. Attendre à ne rien faire n'était pas bon pour elle dans son état instable. Il fallait qu'elle se lève, encore une fois, et qu'elle avance vers une ville. N'importe laquelle. Voir du monde, écouter, observer, elle devait au plus vite se changer les idées.

Erydrin ne connaissait pas vraiment la région. C'était pour cela qu'elle était venue à l'origine : changer d'air, découvrir de nouveaux espaces et trouver de nouveaux élèves dignes de son enseignement.
Avec une lenteur calculée, l'elfe ramassa donc ses affaires qui constituaient sobrement une besace pleine de quelques vêtements de rechange, de bandages et onguents, de sa bourse, et de nourritures sommaires. Un bref coup d'oeil à ses réserves lui fit comprendre qu'elle devrait compter un peu plus sur la chasse que ce qu'elle avait emporté. Il ne restait plus de quoi faire que deux ou trois repas, à peine.

Erydrin lâcha un soupir et attacha ses deux lames : l'une à la hanche gauche et l'autre derrière l'épaule droite. Elle posa ensuite son sac sur son dos et vérifia qu'il ne gênait pas la dégaine de son épée avant de se remettre en route.

Dans sa marche silencieuse vers la direction qui lui semblait le plus approprié pour trouver une ville, Erydrin finit par entendre un peu de bruit qui n'avait rien à voir avec le vent dans les branches ou un quelconque animal gambadant à son aise entre les troncs d'arbres. Un humanoïde se trouvait dans les parages.

Sans réfléchir plus longtemps, la jeune femme suivit le bruit, pour s'en rapprocher et en découvrir la source. Une main sur la garde de son épée à la hanche, par mesure de précaution, elle profitait de l'avantage que lui conférait sa race en milieu naturel pour s'approcher discrètement de la silhouette qui se profilait au loin.

A première vue, il s'agissait d'un humain. Il lui tournait le dos, à une dizaine de mètres devant elle. Il n'avait pas l'air d'un bandit, alors l'elfe signala sa présence en écrasant une petite branche au sol, puis une autre, comme tout humain aurait pu le faire en marchant en pleine forêt.

Peut-être cet humain pourrait-il lui indiquer le chemin à suivre pour gagner la ville la plus proche. Aussi parla-t-elle la première, alors que l'inconnu lui offrait toujours la vue de son dos.

~ Excusez-moi. Pourriez-vous m'indiquer la direction pour rejoindre le plus proche village ?

Un peu rude, la voix de l'elfe était emprunte de calme et d'une certaine lassitude.

par **Leye Xinthas** Mer 10 Oct - 9:31

Leye était sorti de la salle des négociations, située au cœur d’Unificia. Des frissons parcouraient l’ensemble de son corps : il se dégoutait. Comment avait-il pu oser, ne serait-ce qu’un instant, avoir de l’affection pour un monstre du même sang que la meurtrière de son père ? Lui, qui, exécrait l’idée d’avoir un jour un quelconque contact avec un membre de cette espèce, avait été trahit par son propre corps en ressentant une légère inclination pour cette « dame ». Non, il ne l’acceptait pas et tentait, tant bien que mal, de se consoler en se disant qu’un traité de paix venait d’être mis en place et que son peuple était, pour le moment, en sécurité.

Il marchait rapidement en compagnie des élites, qui tentaient de l’encercler pour mieux le protéger. Cela se révélait être une tâche difficile car en plus d’être grand, élancé et lumineux, le roi des humains était extrêmement énervé. Toutes les élites savaient parfaitement que cela était incroyablement rare et qu’il était, de ce fait, inutile de lui demander de ralentir la cadence, ou même, de lui parler. Cet homme pouvait se révéler très dangereux, voir fou, lorsqu’il était possédé par la haine.

Une élite, la plus novice, tenta quand même de le questionner. Elle dit d’une voix faible et maladroite :

« Que… que s’est-il passé ? »

Leye ne se retourna pas et continua à accélérer le pas. Il ne prit même pas la peine de rejoindre l’auberge et s’engouffra dans la forêt de l’Oubli, en omettant complètement le fait, qu’ils étaient venus en monture. Enfin, après encore quelques longues minutes de silence, il répondit :

« Les monstres sont des monstres : il n’y a rien à rajouter de plus. »

Certaines élites se regardèrent, d’autres acquiescèrent en silence, cependant tous savait qu’il n’y avait plus rien à dire. Ils poursuivirent leur route pendant une longue heure où personne n’osa prononcer le moindre mot, chacun en prise avec ses pensées.

Leye continuait à méditer : cet entretien avait fait resurgir des souvenirs douloureux et cruels. Lui, qui avait promis de ne pas se laisser décontenancer par cette rencontre, avait stupidement perdu tous ces moyens et avait obéi impulsivement à toutes ces émotions. Heureusement, seules ses élites, qui étaient maintenant habituées à voir les différentes facettes de sa personnalité, avaient été témoins de cela. Il ralentit le pas, quelque peu calmé, et revêtit son célèbre masque du rire avant de s’immobiliser, comprenant enfin la situation. Il releva la tête, sans montrer la moindre émotion, et somma aux élites de se rapprocher :

« Bien, ma colère est passé. Je suis désolé de vous avoir importuné avec cette colère, plus que déplacée. »

Aucun ne répondit, tous le regardait avec compréhension : bien que Leye soit jeune et impulsif, il essayait toujours d’être juste, et cela les élites savaient l’apprécier. Il continua :

« Bon, voici mes ordres : vous deux, vous retournez à l’écurie d’Unificia, vous rapportez les chevaux et vous payez l’auberge. »

Les deux firent une légère révérence et partirent accomplir leur mission. Leye se retourna vers les deux derniers :

« Vous deux, vous allez trouver un lieu où l’on pourrait se reposer. »

L’un d’eux tenta d’objecter : il ne voulait pas laisser le roi seul. Cependant Leye coupa court à la discussion d’un geste de la main et après les avoir regardés avec un sourire incompréhensible, il leur fit signe de prendre congé.

En effet, le jeune homme avait un besoin incommensurable d’être seul, pour atténuer sa haine et retrouver réellement son calme. Soudain un crissement se fit entendre derrière lui et une voix féminine engagea la conversation :

~ Excusez-moi. Pourriez-vous m'indiquer la direction pour rejoindre le plus proche village ?

Le jeune homme reprit son masque de joie, qui cachait parfaitement sa lassitude, et se retourna pour découvrir son interlocutrice :

« Bonjour madame. »

Il la dévisagea très rapidement et, bien qu’il n’en montre rien, fut très surpris par le contraste entre son air sauvage et son sang elfique. Il lui sourit courtoisement, sans la détaillé d’avantage, et répondit :

« Oui, il faudra aller dans cette direction - il pointa du doigt la direction d'Unificia - cependant, si vous le souhaitez, je peux bien entendu vous accompagner. »

Leye, qui était quelque peu fatigué de cette journée, semblait revigorer par cette apparition étrange. Sa colère se dissimula petit à petit derrière sa curiosité et son envie de découvrir les nombreuses personnalités de ce monde. Il eut une légère pensée pour ses élites : il est vrai qu'il allait, une fois de plus, leur fausser compagnie... cependant ils y étaient habitués et cela s'avérer être un bon test pour savoir s'ils étaient bien capable de le protéger.

par **Nolidrïen** Sam 27 Oct - 14:06

Le visage de l'humain était rayonnant. Presque éblouissant. L'elfe fut surprise de sa propre réaction. Figée, elle le dévisagea comme s'il était une bête curieuse. Depuis combien de temps n'avait-elle pas croisé quelqu'un ? Une semaine ? Un peu plus ? Le temps ne lui avait pas paru si long et pourtant, force était de constater qu'elle arrivait à ses limites.

Drôle de prise de conscience.

Doucement, la créature sylvaine secoua la tête pour chasser ses étranges pensées et penchants à la folie. Elle suivit du regard la direction indiquée par l'étranger. Absolument pas l'endroit où elle allait. Elle soupira d'un air désespéré. La solitude qu'elle recherchait toujours était une drôle de compagne, du genre de celles qui pouvaient vous tuer d'un coup de couteau en plein sommeil après vous avoir permis de trouver le repos qui vous fuyait.

La situation était vraiment cocasse.
L'elfe solitaire qui se retrouve à demander son chemin, en pleine forêt, à un humain. Heureusement qu'aucun de ses élèves n'était là pour la voir. Quelle image auraient-ils d'elle après cela ? Leur cher professeur, si dur et intransigeant, se retrouver complètement démuni dans son élément, à cause d'une foutue intolérance à la solitude. Vraiment, Erydrin était contente que personne de ses « connaissances » ne soit présent pour la voir ainsi.

Mais le pire dans tout cela, c'était qu'elle allait accepter la proposition de l'inconnu avec un égoïsme total et une certaine dose d'hypocrisie qu'elle méprisait tellement.

Mauvaise journée.

~ Je vous remercie pour votre proposition, mais je ne voudrais pas vous déranger, vous avez sans doute mieux à faire.

Après cette petite introduction, l'elfe balaya la zone d'un regard circulaire.

~ Bien que je ne connaisse absolument pas la région, lâcha-t-elle plus faiblement.

Mentir, escroquer, déformer la réalité. C'était tellement facile que c'en était répugnant. La jeune femme se trouvait vraiment répugnante en cet instant. Mais si cela lui permettait de tromper sa solitude un peu plus longtemps, alors elle devrait le supporter cette fois.

Honteuse, elle évita cependant inconsciemment de croiser le regard de l'humain, son visage légèrement incliné vers le sol. Les marques sombres sur sa joue étaient d'autant plus visibles. La combattante n'y prêta pas d'attention, elle avait l'habitude.

par **Leye Xinthas** Dim 9 Déc - 20:47

Leye contempla l’elfe qui lui semblait étrange sur l’instant : il ne put s’empêcher de remarquer un léger décalage entre ses propos et son comportement. En effet, alors qu’elle semblait plutôt apprécier la proposition du jeune homme, elle avait tourné la tête vers le sol comme pour cacher une expression de gêne. Leye, quelque peu troublé par cette réaction, baissa la tête, en devinant les marques sombres se profilaient sur la joue de l’elfe. C’était un acte spontané : Leye préférait éviter d’offusquer cette jeune inconnue en la dévisageant ou en posant des questions inutiles.

Le silence s’installa dans la forêt. Le jeune élu était terriblement mal à l’aise face à elle et en même temps très troublé par son propre sentiment. Il ne la voyait pas comme une nouvelle conquête, ou encore une femme quelconque qui l’occuperait quelque temps… Non, il la respectait… Il voulait la connaitre, communiquer avec elle et peut-être même réduire un petit peu la distance qui les séparait.

Il souffla doucement, reprenant son courage à de main, et dans sa spontanéité habituelle, il recula d’un pas et fit une légère révérence avant de dire d’une voix forte :

« Mais je ne me suis pas présenté ! Je me nomme Anator Dalonevar, pour vous servir madame. »

Le jeune homme pensait qu’il était préférable de ne pas effrayer la demoiselle en lui annonçant qu’elle venait de rencontrer le coureur de jupons le plus connu de Fanthaïsa, Leye Xinthas, élu des humains et roi du Royaume. Il resta baisser quelques instants, les yeux fermés, un sourire charmant aux lèvres avant de se relever doucement.

Puis quelque peu intimidé, il regarda autour de lui, écoutant le son des arbres, appréciant le vent soufflant du nord. Il se sentait terriblement pur et détendu dans cette forêt où nul ne le connaissait et où chaque problème de son existence semblait dérisoire… Il sourit au ciel, comme pour remercier la nature d’être toujours aussi apaisante, puis reporta son regard vers l’elfe, un sourire rayonnant aux lèvres.

Il ne voulait pas l’effrayer, mais souhaitait lui insuffler son bien-être et son irrésistible désir de sourire à la vie. Impulsivement, il s’approcha d’elle, s’accroupit à l’exact endroit où il pourrait contempler ses yeux et toujours le sourire aux lèvres, ébahi par la beauté des yeux de l’elfe, il murmura doucement :

« Même la couronne ne possède pas de joyau aussi beau que vos yeux… Vous auriez tort de vouloir les cacher… Allons à Unificia, mademoiselle ?»

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